DEVELOPPEMENT DE L’ENFANT : La Sécurité Affective
Karin Lahittete Blanchemain – Atelier des Futurs Parents – Juin 20220
On ne peut pas parler de Sécurité Affective sans évoquer la Théorie de l’Attachement.
Cette théorie a vu le jour dans les années 1950 grâce à John Bowlby, psychologue américain qui s’est intéressé aux relations parents/enfants et à leurs impacts sur le développement de l’enfant. Après des années de recherches et d’expérimentations, assisté par James Robertson, avec lequel ils produiront une série de films qui ont marqué le monde la petite enfance, il déduit de ses travaux que : « L’attachement est un besoin primaire de l’enfant ».
En effet, le lien d’attachement permet à l’enfant d’établir une connexion particulière avec des personnes spécifiques (en premier lieu, ses parents) auprès desquelles il va trouver du réconfort et de la sécurité en cas de détresse. Une fois rassuré, il retrouve un sentiment de sécurité qui lui permet de poursuivre son développement en explorant : il continue alors à découvrir et à apprendre et à comprendre le monde.
Partant des travaux de John Bowlby, des experts comme Boris Cyrulnik, Blaise Pierrehumbert ou encore Nicole et Antoine Guedenney , sont devenus des spécialistes du sujet.
Blaise Pierrehumbert, Docteur en Psycholologie et chercheur à l’Université de Lausanne nous permet de comprendre ce qu’est le lien d’Attachement et ses impacts sur la sécurité affective à partir de ces 4 caractéristiques :
Un lien de longue durée :
Les parents sont les figures principales d’Attachement pour l’enfant, pourquoi ? Parce que ce sont les premiers et principaux caregiver (« donneurs de soins ») pour l’enfant. Ce sont eux qui vont être à ses côtés dès sa naissance (et même avant !) pour s’occuper de lui et lui donner de l’attention. Ce lien qui va se tisser au fil des premiers mois et premières années de l’enfant va ensuite perdurer et l’accompagner tout au long de sa vie.
Pourquoi considère-t-on généralement la mère comme 1ère figure d’attachement ? Tout d’abord, parce que jusqu’à ce jour, c’est elle qui porte bébé et l’accompagne H24 pendant les 9 premiers mois de sa vie, et ensuite, parce que dans nos sociétés européennes, c’est elle qui, au sein du couple, passe le plus de temps auprès de l’enfant durant sa petite enfance. Ceci est en train d’évoluer cependant. Aujourd’hui le rôle du père connait une transformation et une valorisation observables. Ainsi est né le congé paternité, et plus récemment le Parental Act. On peut observer aussi la prise de plus en plus fréquente du congé parental par le père et la recherche de la mixité au sein des équipes au travail. Cette évolution de la société et ses impacts sur la famille est bien décrite à travers les travaux et les conférences du psychosociologue, Jean Epstein. Elle donne lieu aussi à de belles initiatives comme la création de l’Atelier du Futur Papa par Gilles Vaquier de labaume (www.atelierdufuturpapa.com).
Pour en revenir à la sécurité affective, on sait donc que les parents sont les figures principales d’attachement (sauf accident de la vie). Cependant, il existe dans l’environnement de l’enfant d’autres figures d’attachement, qui vont aussi être présentent dans la durée: son cercle familial proche (oncles, tantes, grands-parents) qu’il voit régulièrement et la ou les personnes qui s’occupent de lui dans l’endroit où il est accueilli tous les jours pendant que Papa et Maman travaillent. Ces autres donneurs de soins, ces figures d’attachement secondaires, il va parfois les côtoyer suffisamment dans sa petite enfance pour que ces personnes jouent un rôle affectif auprès de lui et l’accompagnent dans son développement. Nous faisons partie des figures d’attachement secondaires de l’enfant. Vu sous cet angle c’est très valorisant et c’est aussi prendre conscience d’une responsabilité importante.
Un partenaire non interchangeable :
L’enfant peut avoir plusieurs figures d’attachement mais elles ne sont pas interchangeables. L’enfant sait vers qui se tourner et à quel moment aller trouver sa figure d’attachement pour se réconforter.
Nous venons de voir que les professionnels de la petite enfance sont des figures secondaires d’attachement, nous allons donc prendre ici un exemple dans un milieu d’accueil.
Paul est accueilli depuis l’âge de 3 mois au sein d’une Maison d’Assistants Maternels pendant les horaires de travail de ses parents. Quand vous travaillez dans une structure d’accueil et que vous êtes référent d’un enfant que vous accueillez depuis l’âge de 3 mois, si tout va bien, vous allez développer avec lui et ses parents une relation de confiance particulière. Cette relation est propice à la sécurité affective et au développement de l’enfant. Du coup, quand à 10 mois, lors d’un temps d’accueil, Paul se fait mal ou se trouve en situation de stress, vers qui va-t-il se tourner pour trouver du réconfort ? Vers sa référente (ou son référent). Alors bien sûr, si vous n’êtes pas là, il va pouvoir se consoler ou se rassurer auprès d’un(e) collègue à vous, mais si vous êtes là, il n’hésitera pas 2 secondes pour savoir vers qui se tourner !
Une recherche et un maintien de la proximité :
La base de sécurité est la notion clé de cette recherche et de ce maintien de la sécurité.
C’est parce que l’enfant sait qu’il peut compter sur sa figure d’attachement et qu’il va pouvoir revenir vers cette base de sécurité quand il en aura besoin, qu’il va se sentir en confiance.
L’image souvent utilisée ici est celle du porte avion sur lequel l’enfant vient recharger les batteries et trouver le réconfort nécessaire. Vous êtes, ou vous serez parents, vous servirez forcément de porte-avion ! Cela se produit quand vous êtes au sol à jouer avec votre enfant et qu’il vient s’asseoir sur vos genoux (ravitaillement affectif !) ou encore qu’il a un coup blues et qu’il vous demande les bras (re-ravitaillement affectif). Une fois apaisé, il pourra à nouveau quitter le porte avion pour repartir à l’aventure.
Le tout-petit a besoin de la proximité, du regard, de la présence. Pour être en confiance, il faut qu’il sache qu’à proximité, sa figure d’attachement est là pour veiller sur lui et l’aider en cas de besoin. Elle est là aussi pour l’aider à se construire, observer ses progrès, l’encourager, et l’aider ainsi à construire sa confiance en lui.
Plus tard, ses capacités de représentation lui permettront d’évoquer sa figure d’attachement sans être en sa présence, mais cela ne peut pas se faire dans ses premiers mois.
Et enfin, une séparation non intentionnelle de la part de l’enfant avec sa figure d’attachement est cause de détresse :
Cela est directement lié au maintien de la proximité que nous venons de voir : si l’enfant, alors qu’il ne l’a pas choisi (par exemple, ce n’est pas lui qui a décidé d’aller à la Maison d’Assistants Maternels ce matin !) se retrouve séparé de sa figure d’attachement, cela peut être source de stress (« Comment je vais faire face à mes angoisses si ma figure d’attachement n’est pas là ? »). On comprend ici le rôle régulateur de la figure d’attachement dans les émotions de l’enfant. L’adulte est là pour aider l’enfant à comprendre ses émotions, à apprendre à les connaitre, pour apprendre ensuite les réguler au fil du temps. Nous reviendrons sur les émotions avec des articles dédiés à ce sujet sur ce blog. Vous voyez maintenant comme ces quatre notions sont liées : attachement, confiance, émotions, développement.
Pour revenir à l’attachement et à notre exemple de la séparation à la Maison d’Assistants Maternels le matin, la manifestation de ce besoin de proximité se retrouve dans les pleurs du tout-petit au départ de sa mère ou de son père, quand l’enfant réalise qu’il va devoir faire sans sa figure d’attachement principale dans les minutes qui vont suivre. C’est là alors que la qualité du lien tissé entre les parents et la structure d’accueil, et notamment avec la/les figures secondaires d’attachement de leur enfant va jouer un rôle primordial dans la sécurisation du tout-petit et ses capacités d’exploration au fil de sa journée d’accueil.
Pour conclure, nous savons maintenant que l’Attachement n’est pas dépendance, au contraire il ouvre le champs de la découverte vers le monde extérieur de l’enfant, il est source de confiance en soi et développe sa capacité à s’ouvrir au monde et aux autres.
La figure d’attachement est la « base de sécurité » pour l’exploration.
Et enfin, on pourrait rajouter que l’on ne peut pas vraiment parler de détachement quand l’enfant grandit et devient adulte, à ce sujet Blaise Pierrehumbert utilise l’image d’un élastique pour caractériser le lien d’attachement : l’élastique s’étire mais ne casse pas, ce lien fait partie de notre construction, tout comme d’autres liens forts que nous allons tisser tout au long de notre vie, au fil de nos rencontres.
Ce lien est au final la raison d’être de notre engagement parental bienveilant, c’est notre héritage le plus précieux.
Karin Lahittete-Blanchemain
Animatrice atelier des futurs parents - Hautes Pyrénées et Pyrénées Atlantiques-
06 61 56 96 56.
atelierdesfutursparents.hppa@gmail.com
Juin 2020